le gars

Le gars travaillait pour une agence de normalisation. Chaque objet manufacturé fait l’objet d’une norme, il doit répondre à certaines contraintes en terme de sécurité, de pollution ou autre. Une prise électrique, un cintre, une tasse à café, tout est référencé, tout est normé. Et le gars travaillait à rédiger des normes. Probable qu’à force, ça lui est monté au cerveau.

Un soir qu’on répétait le spectacle dans un gymnase un peu paumé dans la campagne, il est arrivé en retard. Sur la route, dans la nuit il a loupé le chemin qui accède au gymnase. Plutôt que de faire demi-tour, il a préféré revenir sur ses pas en marche arrière, à fond la caisse. Sa conduite approximative sans visibilité lui a fait emplafonner un poteau électrique en béton. La voiture était morte. On l’a donc vu arriver, un peu secoué. Pendant que quelqu’un téléphonait à un copain garagiste, il voulait savoir si on avait des flyers du spectacle, pour donner au dépanneur.

Une autre fois, alors qu’on établissait un planning de rendez-vous pour essayer les costumes du spectacle, l’ensemble de la troupe m’a répondu par mail. Soit on me disait OK, soit on me proposait une autre date. Il a été le seul à m’écrire que l’heure proposée n’allait pas en raison de son dojo, qui était à 45 minutes de son boulot. Or, il devait s’entraîner à 18 heures et le boulevard à l’heure de pointe serait sans doute embouteillé. Suivait une explication détaillée qui cherchait manifestement à prouver qu’il lui serait impossible de venir à l’heure pour l’essayage. Pour être franc, je l’ai suspecté de monter un alibi indiscutable pour cacher un forfait. Mais non, le gars était juste tordu.

Kiril LEK