Si on entend par « art » cette manifestation humaine de dévotion qui consiste à créer des images ou des objets pour papoter avec des entités invisibles, alors oui nous considérons l’art comme nul et non avenu. Nous n’avons pas besoin de papoter avec des entités invisibles. Dans les grottes et partout ailleurs, nous tenons l’art pour un support efficace du pouvoir. Fondé sur la virtuosité, l’art est pratique pour détourner le regard de la vie qui jaillit partout. Inféodé à la religion, l’art a servi exclusivement de faire-valoir aux génies de la miséricorde divine grassement rémunérée. Fort d’un vocabulaire incompréhensible par le tout-venant, l’art a amassé un solide historique qui s’alimente de sa propre théorie. Il a créé ses propres écoles où professent les créatures qu’il a engendré lui-même.
Mieux encore, l’art a réussi à disparaître en tant qu’objet produit par la main de l’Homme pour devenir un concept, une « intention ». Dès lors, il a donné naissance à toutes sortes de romans et de théories reposant sur l’auto-proclamation. C’est toujours plus simple de se déclarer artiste que de le devenir au regard des autres (même si les deux relèvent de la même escroquerie). L’art s’est intégré avec grâce au long fleuve tranquille du marché mondial sans jamais atteindre le fond du ridicule, exposant aux yeux extasiés de la merde d’artiste ou un plug anal en toute bonne foi. Une fois que le bizness est développé, chacun se trouve dans la position des coureurs athlétiques : chacun est obligé de courir et de glorifier cette course, le plus souvent sans savoir pourquoi. L’art est donc cette « chose » produite par la société occidentale, puis intégrée au système capitaliste qui fait de tout un marché (y compris le principe d’anti-système).